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Coup de coeur du Mois de Novembre 2024
Le premier titre que je vous propose est celui de Clara ARNAUD, "Et vous passerez comme des vents fous". C'est un beau roman qui parle du pastoralisme en Ariège et des peurs que réveille la réintroduction des ours. C'est l'histoire d'un berger et de sa condition, d'une éthologue, spécialiste des ours, et de ses idéaux et d'un montreur d'ours pyrénéen. Car au 19ème siècle certains paysans partaient de leur village natal pour parcourir le monde avec leur créature capturée jeune puis dressée.
La montagne est omniprésente. Elle dévoile sa beauté et sa violence au fil des pages et des saisons. Le livre est très bien documenté sur la vie dans les estives, le comportement des ours, l'histoire local et ses traditions.
Un grand bonheur de lecture. Vous trouverez dans le N° 297 du magazine La Montagne et Alpinisme un portrait de l'autrice.
Dans un tout autre registre, le second ouvrage que je veux partager avec vous nous fait vivre la traversée de l'arc Alpin en ski de randonnée. L'auteur, Sylvain TESSON, qui est aussi un alpiniste chevronné, décrit d'une manière très poétique son Odyssée dans le "Blanc", qui donne le titre à son récit.
La substance, comme il l'appelle, celle qui s'amoncelle sur les corniches surplombantes, celle qui tapisse les vallons sans fin, celle qui ensorcelle par ce qu'elle rend le décor irréel, n'est rien d'autre que la neige.
Dans le Blanc tout s'annule - espoirs et regrets. Pourquoi ai-je tant aimé errer dans la pureté ?
Vous savourerez des pages admirables d'écriture dans Blanc de Sylvain Tesson.
Ces deux ouvrages sont disponibles à la bibliothèque de votre Club.
Si vous avez aimé des livres à propos de la montagne et que vous souhaitez faire partager, vous pouvez les donner à la bibliothèque du Club.
Bonne lecture. Philippe.

Coup de coeur du Mois de Décembre 2024
Voici les prochains livres qui seront dispo en début d'année à la bibliothèque du CAF Vendredi 3 janvier.
En ce début d'année 2025, je vous propose, l'Ile haute, un roman écrit par Valentine GOBY. C'est l'histoire d'un enfant de 12 ans, Vadim, un petit parisien asthmatique, qui découvre la montagne et son air pur. C'est l'histoire des premières fois : ce manteau blanc qui gomme la surface des choses, ces aiguilles qui pointent vers le ciel, puis les fenaisons de l'été quand le soleil brûle la peau...
La montagne, l'lle haute c'est aussi ce qui va le sauver...
Si vous aimez les romans descriptifs, alors vous allez adorer :
" Appuyé au manche de la pelle, l'homme d'hier fixe le garçon qui fixe la montagne. On dirait qu'il a vu une fée. Lui n'a rien vu d'autre. Il sait par cœur chaque volume qui compose la montagne, sa présence lui est familière depuis l'enfance comme celle de son frère, de son père...Est-ce que la tour Eiffel lui ferait le même effet que la montagne à ce garçon ? Il ne se souvient d'aucune première fois. Ni de sa première traite. Ni de son premier bain dans la rivière. Ni de sa première pellée de neige, ils n'ont pas laissé de trace sensible en lui. Il cherche, peut-être sa première coupe de bois, sa première ivresse. Il sent que ce n'est pas à la hauteur de ce qu'éprouve le garçon et sans doute il l'envie un peu ce gosse, qui comme lui a perdu son premier pas, sa première syllabe, son premier biscuit, mais à douze ans n'oubliera pas sa première montagne."
Le second ouvrage, Au cœur de l'hiver, est un récit autobiographique de Jean-Marc Rochette, bien connu pour ses BD (Ailefroide, La Dernière Reine...). C'est l'histoire d'un isolement volontaire, en plein Covid, avec Christine sa compagne, au cœur de l'hiver quand la route qui mène au hameau Les Etages en Oisans est coupée par les avalanches.
Isolés du monde 3 mois durant, leur vie sera rythmée par ce qui fait le quotidien de la vie et les surprises parfois dramatiques qu'offre la montagne...
Ce huis clos au décor grandiose, aurait pu conduire à faire éclater leur relation...mais au contraire "...la glace qui m'empêchait de vivre vient de fondre au cœur de l'hiver..."
Au cœur de l'hiver, vous fera passer un agréable moment de lecture. Vous le lirez avec envie, au chaud près de la cheminée quand dehors le vent et les loups hurlent...
" Deux loups dévorent l'éterle en traînant et se disputant sa carcasse ensanglantée autour d'un bosquet de bouleaux. Les trois autres se repaissent de la mère. Ils ont faim, ils ne laisseront rien, ou presque rien. Plus tard dans la nuit, les corbeaux, les hermines et les renards vont venir nettoyer les restes du carnage.
Le lendemain au petit jour, ne resteront que deux grandes traces rouges sur les rives du torrent."
Enfin comme le père Noël est généreux, vous aurez droit à un troisième cadeau, il s'agit d'un récit de voyage autobiographique. Népal, un jour de plus, écrit par Jean-Pierre POINAS.
Ce livre est destiné notamment à nos amis trekkeurs, mais pas que, qui sont partis au Népal en 2023 comme à ceux qui s'y rendront en 2025.
Vous y découvrirez un Népal, hors des circuits proposés par les Tour-opérateurs. La jungle et ses tigres, la profonde culture de l'Indouisme et du Bouddhisme, l'érotisme des bas reliefs des palais newares, les sacrifices d'animaux, de tous poils et de plumes, pour satisfaire la soif de la déesse Kali, le lever de soleil sur le Chomolungma....
Une écriture, serrée, singulière, profonde et drôle qui vous fera partager les rencontres au gré des errances de cet écrivain-voyageur.
" Le Chomolungma est quelque part, en retrait, peu éminent. Je maudis la mauvaise foi des Anglais, qui ont prétendu que la reine des montagnes était sans nom pour lui donner celui d'un des leurs. Je gage que sir Everest, obscur résident, n'était pas un montagnard et devait s'empalanquiner pour franchir le moindre mile. Maintenant la chaîne rosit sur un ciel de soie tendue et la cime des cimes retourne à son lit de brume, comme un enfant levé trop tôt."
Si les deux premiers ouvrages seront disponibles à la bibliothèque du Club, le dernier, ayant été offert, vous le trouverez en librairie pour la somme de 18 €.
Bonne lecture à chacune et à chacun et si le cœur vous en dit, prenez la plume pour nous faire partager, au cœur de l'hiver, vos coups de cœur d'altitude !
Philippe.

Coup de coeur du Mois de Février 2025
Chère lectrices, chers lecteurs, en ce mois de février je vous propose tout d'abord, un livre autobiographique de Marion Poitevin, Briser le plafond de glace, à destination plus particulièrement de nos grimpeuses mais pas que...
C'est l'histoire d'une femme aux qualités physiques exceptionnelles qui très tôt a montré une profonde attirance pour l'escalade.
Cette passion de la grimpe, de la montagne, du ski, l'a conduit dans un univers quasi masculin, représenté par les guides de haute montagne, les groupes d'élite de l'armée, les secouristes, le peloton de gendarmerie de haute montagne, milieu contre lequel, Marion Poitevin va se heurter au fameux "plafond de verre".
Terme apparu dans les années 1970 aux USA. Il désigne le fait que dans une hiérarchie, les postes supérieurs ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes, notamment les femmes.
Insultes, blagues lourdingues, provocation, discrimination, humiliation, c'est contre cela que Marion Poitevin va devoir se battre :
«Eh çà va ? Tu vas pas faire la limace comme Marion, quand même ! »
«Alors Marion tu nous as fait un gâteau ? (après avoir gravi une voie cotée 8 !)»
«Le monde de l'alpinisme de haut niveau est dur. On s'y connecte par intérêt, pour mettre en commun un savoir-faire. Si tu es fort on te sollicite. Si t'es moins fort on t'oublie. Et si tu es une femme ? Plafond de verre, plafond de glace.»
Marion Poitevin a créé le LTC (Lead The Climb), un Club affilié à la FFCAM qui promeut la pratique de l'alpinisme entre femmes leaders dans cette discipline. Marion Poitevin est guide de Haute Montagne et secouriste en montagne.
«LTC s'avère efficace pour améliorer la mixité homme/femme dans les sports de montagne...» et ainsi contribuer à briser ce plafond de glace !
Dans un tout autre registre je vous vous propose L'Art de la trace de Cédric Sapin-Defour, ouvrage paru dans la collection " Petite philosophie du voyage", collection dans laquelle vous trouverez aussi les ouvrages suivants :
L'Euphorie des cimes par Anne-Laure Boch
L'Ivresse de la marche par Emeric Fisset
La grâce de l'escalade par Alexis Loireau
Ce petit récit fait l'éloge du ski de randonnée et du bonheur de faire sa trace en zigs et en zags à la montée, pour mieux s'arrondir en arabesque à la descente.
Cet art de la trace, réclame de n'avoir rien oublié, alors que le soleil n'éclaire pas encore la combe à gravir, et que le froid choisi vous brûle les mains. L'indispensable météo du jour, la qualité de la neige, des neiges, les indispensables dans le sac à dos, les couteaux et ces peaux qui rebroussent le poil pour vaincre la gravité...mais aussi l'Arva et le GPS... bref tout ce qui vous permettra de vivre en toute liberté et sécurité dans ce décor immaculé, où un animal aura peut-être lui aussi laisser sa trace...
Cédric Sapin-Defour, écrivain montagnard, saura vous enchanter par sa très belle écriture, de ces paysages grandioses et du plaisir de glisser et de faire sa trace.
« De la candeur au vertige, de la fougue à ce qui sera un jour l'apaisement, le ski tolère sans blâme les sinuosités de nos attentes et de nos possibles. C'est une certitude stimulante de savoir qu'il sera là, présent, entre nos corps et la Terre, jusqu'aux cambrures de la vie.
Toujours la bonne mesure, Intensément.
Et entreprenant de nous aider à résoudre ce mystère d'être vivants.»
C Sapin-Defour est également l'auteur de plusieurs essais sur la montagne et de recueils de chroniques. Il a fait l'actualité ces dernières semaines avec un livre très touchant, Son odeur après la pluie, l'histoire d'une relation avec son chien, que je peux également prêter si des personnes sont intéressées.
Bonne lecture. A vous maintenant de briser votre plafond de glace en laissant votre trace pour nous raconter vos lectures d'altitude...
Philippe

Coup de coeur du Mois de Mars 2025
Pour ce mois de mars, je vous propose un livre d'entretien paru dans la collection Versant intime publié chez Artaud et dirigé par Fabrice Lardreau.
Le format est toujours le même, FL s'entretient sur une centaine de pages avec un auteur ou une autrice sur son rapport à la nature et son impact sur le processus créatif. L'ouvrage est complété par des extraits de romans, récits, choisis par l'auteur et en lien avec le thème développé.
L'entretien proposé, Devenir montagne, se déroule avec Valentine GOBY. Rappelez-vous je vous avais présenté en décembre dernier L'Ile Haute, un beau roman dont l'histoire se déroule à Vallorcine pendant la dernière guerre mondiale.
Le présent livre d'entretien revient d'ailleurs longuement sur la création de l'Ile Haute. On entre dans les coulisses de l'écriture, dans ce travail préparatoire fait de repérage, d'imprégnation des lieux, d'odeurs, de sons, de paysages et de ses habitants mais aussi de ce qui fait la singularité de l'écrivain au regard de son passé et de ce que ses parents lui ont transmis.
Mes deux parents avaient des métiers incarnés...c'était des gens qui avaient décidément un corps et en faisaient quelque chose. C'est mon héritage.
Ce milieu a forgé ma manière de travailler : mon projet littéraire a consisté à raconter des corps en mouvement.
(FL) Quel est votre premier souvenir de montagne ?
" J'ai un rapport viscéral à la montagne. Elle m'a révélé à moi-même, m'a construite. Je l'associe à l'idée de refuge, de paix et de sérénité "
(FL) La parution de L'Ile Haute a-t'elle modifié votre rapport à la montagne ?
" A la parution de ce roman (L'Ile haute), j'ai vécu successivement un processus d'adoption et de dépossession qui font de ce livre une aventure assez unique dans mon travail. J'ai l'impression que, comme Vadim, d'une certaine façon je suis née une seconde fois, dans cette vallée - et je ne l'attendais pas. Cela me donne la permission de me reconnaître une appartenance à la montagne, un début de pedigree. Le beau rêve, n'est-ce pas ? Devenir montagne... "
Vous trouverez dans cette même collection les titres suivants susceptibles de nourrir votre imaginaire des cimes : Montagnes humaines de JC RUFFIN, Psychisme ascensionnel de E Klein, Le pays d'en haut de MH Lafon.
Vous découvrirez aussi en ce mois de mars, le récit : Aventures autour du MONT BLANC, écrit par un certain Alexandre DUMAS.
C'est l'histoire de son périple à travers les Alpes que l'auteur des 3 Mousquetaires, encore jeune à l'époque, a réalisé à l'été 1832, à l'heure où à la même époque, Victor Hugo découvrait aussi la montagne et ses paysages époustouflants.
Dans cet ouvrage l'auteur raconte sa randonnée la plupart du temps effectuée à pied en partant de Martigny en Suisse pour rejoindre Aix les Bains en passant par Chamonix et le Grand St Bernard notamment.
On se rend compte qu'à cette époque, il n'était pas rare de marcher jusqu'à 10 lieues par jour soit près de 50 Km, fichtre !
A Chamonix, notre écrivain voyageur, rencontre Jacques Balmat, qui avec le Dr Paccard avaient réalisé, 50 ans auparavant, la première ascension du toit de l'Europe.
Alexandre DUMAS se fait alors journaliste et note scrupuleusement le récit de J Balmat qui au passage se donnait le beau rôle alors que le Dr Paccard était décédé quelques années auparavant. Le certificat authentifiant cette ascension historique est annexé en fin d'ouvrage et donne une autre version de l'expédition.
La plume est alerte, agréable à lire. A DUMAS, n'hésite pas à se mettre en scène et ce même dans des situations qui ne sont pas à son avantage. Jugez plutôt :
" Payot se mit en route, ne comprenant pas ma témérité ; elle était simple cependant. Un précipice n'a sur moi de prise vertigineuse que lorsqu'il est coupé à pic ; alors, et même que je le regarde d'en bas, j'éprouve un malaise indéfinissable et dont je ne suis pas le maître ; mais le chemin, fût-il beaucoup plus étroit, dès lors que ma vue se repose sur un talus, si rapide et si mal aisé qu'il soit, j'échappe à son influence. "
Puis à propos du récit de J Balmat :
" Ce premier moment d'exaltation passé, je pensai à mon pauvre docteur. Je redescendis vers lui aussi vite que je pus, l'appelant par son nom et tout effrayé de ne pas l'entendre me répondre; au bout d'un quart d'heure, je l'aperçus de loin, rond comme une boule...je le trouvai la tête entre les genoux et tout racorni sur lui-même, comme un chat qui fait le manchon. "
Bonnes lectures d'altitude en ce gibouleux mois de mars.
Philippe.

Coup de coeur du Mois d'Avril 2025
Pour ce mois d'avril, je vous propose deux manières d'appréhender la marche voire même la marche en montagne en compagnie de philosophes et d'un d'un savant alpiniste, Joseph Vallot.
Je vous emmène tout d'abord dans les pas de célèbres philosophes avec l'ouvrage écrit par Frédéric GROS, Marcher, une philosophie.
Cet ouvrage, très accessible, explore tour à tour les méditations philosophiques d'illustres penseurs. C'est ainsi que vous passerez de la flânerie d'un Walter Benjamin à l'errance d'un Gérard de Nerval, ou bien d'une promenade solitaire à la Rousseau à la rage de fuir de Rimbaud.
Bref il existe mille et une façons de marcher. Chaque philosophe y puisant ses propres pensées.
Nietzsche marche, il marche comme on travaille. Il travaille en marchant.
Il écrit dans le Voyageur et son ombre : "Tout, à quelques lignes près a été pensé chemin faisant et griffonné au crayon dans six petits cahiers."
François Gros : "Pour Nietzsche, la marche est la condition de l'œuvre, son élément. Pour Kant bien au contraire la marche est ce qui distrait du travail, cette hygiène mentale permettant au corps de se remettre d'être resté assis courbé, cassé en deux."
Quant à Rimbaud, la marche représente la rage de fuir.
Verlaine dit à propos de son ami Arthur qu'il était : "L'homme aux semelles de vent "
Pour Rousseau la marche symbolise les rêves éveillés.
FG : " La marche est morne, répétitive, monotone. Ce n'est que trop vrai. Mais c'est ainsi pour cela qu'elle n'est jamais ennuyeuse. Quand on marche on va quelque part, on est en mouvement."
et Montaigne de poursuivre : " Mes pensées dorment, si je les assis. Mon esprit ne va, si les jambes ne l'agitent."
Et FG de conclure ainsi son essai : " Prendre à droite, à gauche : juste pour continuer à marcher. La fin du monde, ce n'est pas quand tout s'arrête, mais quand tout continue, interminablement : rien d'autre à faire que poser un pied devant l'autre, sous les lunes froides. J'ai marché comme ça quelquefois dans Paris."
Et pour conclure à ma manière, je vous citerai un proverbe indien : " Si on t'a donné une tête c'est aussi pour penser à tes pieds."
Nul marcheur ne dira le contraire.
Et votre serviteur de rajouter : " Si on t'a donné des pieds c'est aussi pour ne pas marcher sur la tête ! "
Joseph Vallot, ce savant Alpiniste, lui ne marchait pas sur la tête, il avait des projets plein la tête qu'il a su réaliser 40 ans durant principalement dans le massif du Mt Blanc. Elena PATRIARCA, nous raconte l'histoire méconnue de Joseph Vallot (1854-1925). Il était féru de botanique, de géologie puis il s'est intéressé à la météorologie ainsi qu'à la physiologie liée à l'altitude.
Expert aussi en glaciologie, on fait référence encore maintenant à ses travaux qu'il a menés lors de la rupture d'un lac sous-glaciaire aux dessus de St Gervais, évènement qui s'est reproduit en 2010.
Visionnaire, il a su très tôt tout l'intérêt scientifique et touristique que pouvait représenter le massif du Mont Blanc. Il fit construire sur ses propres deniers un observatoire-refuge à 4350 m d'altitude sur le chemin des Bosses qui mène au sommet du Mt Blanc. Bâtiment, plus communément connu aujourd'hui sous le terme de Refuge Vallot par les profanes. En fait si le refuge est géré par le CAF qui l'a intégralement rénové, l'Observatoire a été complètement refait en 2020. Il appartient au CNRS et représente un lieu unique en Europe pour les expériences scientifiques d'altitude.
J Vallot rédigea le compte-rendu de la construction de l'observatoire pour l'Annuaire du Club alpin français, Club dont d'ailleurs notre savant alpiniste eut la présidence en 1907.
L'autrice EP : " Finalement c'est auprès des scientifiques - biologistes, écologues, botanistes, glaciologues - qui documentent le chamboulement provoqué en altitude par le dérèglement du climat, que j'ai trouvé un écho de la voix, de la vie de Joseph Vallot. Comme lui, mais deux siècles plus tard, ces scientifiques ont l'audace de porter la plume dans la plaie..."
Ils pourraient reprendre à l'heure compte ces mots de Joseph Vallot : "... Saussure, en descendant du Mt Blanc, disait que les expériences qu'il n'avait pas pu y faire n'y serait vraisemblablement jamais entreprises. Le monde a un siècle de plus et aujourd'hui nous sommes portés plutôt à prédire qu'à nier les choses difficiles."
L'ouvrage est illustré de belles planches photographiques où l'on voit notre savant alpiniste porter différentes tenues, car il avait aussi le sens du rire et était un amoureux de la photographie.
Voilà pour ce mois d'avril, de quoi philosopher en marchant ou marcher en philosophant tout en restant curieux des beautés naturelles que nous offre un paysage de montagne.
Belles lectures d'altitude.
Philippe

Coup de coeur du Mois de Mai 2025
Pour ce mois de mai je vous propose une nouvelle forme littéraire, et je sais que certaines personnes apprécient ce genre d'écriture, il s'agit d'un...polar. : Le Seigneur des Ecrins par Gérard GUERRIER.
L'histoire se déroule à la Bérarde, au cœur des Ecrins, en plein hiver, quand la route qui y mène est coupée par les avalanches. Cette ambiance ne vous rappelle-t-elle rien ?... Mais si...Au cœur de l'hiver par JM Rochette, récit autobiographique que je vous avais présenté fin 2024.
Comme quoi il y a des ambiances réelles ou fictives qui stimulent l'esprit.
C'est dans ce hameau retiré du monde, que vit Lulu, un vieux guide misanthrope avec ses chèvres. Mais sa retraite hivernale va être troublée par l'arrivée impromptue du célèbre écrivain-voyageur, Sylvestre Talon, que vous reconnaitrez facilement...et qui pour retrouvez l'inspiration à décider de vivre en huis clos, cernés par les loups et le froid polaire mordant qui s'installe.
C'est alors qu'au file des pages, dans ce décor glacé de montagne, les fantômes de leur passé respectif vont surgir...
Vous apprécierez l'écriture, érudite, poétique et fluide :
" ...La bise s'est alors levée dans la nuit. Venue du nord, soufflant par bourrasques, elle découvre des lambeaux de vieille neige jaunie, soulevant celle qui vient à peine d'être déposée pour la tasser sous le vent des immeubles et des montagnes. Le ciel a pâli. On devine à présent que le soleil, plus haut, a repris son service. Entre deux tourbillons, on perçoit le murmure des dameuses qui se hâtent de faire un dernier passage avant l'ouverture des pistes..."
"...Mieux, il pourra combler les moments d'oisiveté ou même d'ennui, en tentant d'apprendre quelques vers bien sentis pour émouvoir ou étonner une femme. Tout en insérant un Baudelaire entre un épais Jack London et un Heidegger bien fluet, il déclame à haute voix, comme pour se préparer au célibat forcé :
Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma sœur ! "
Si l'auteur prend le temps au début de son récit de camper ses personnages, dans ce décor sauvage et beau à la fois, l'intrigue peu à peu accélère comme une avalanche que rien n'arrête, mue par les fantômes du passé...
" Personne ne viendra plus le chercher ici. Chaque seconde est une jouissance. Sylvestre Talon entame la corniche à coups de piolets et en sort comme un nouveau-né sort du ventre de sa mère. Enfin, il se lève, seul face au monde, face à l'horizon...Alors qu'au loin, enfle la rumeur d'un hélicoptère."
Belle lecture printanière. Philippe.

Coup de coeur du Mois de Juin 2025
En ce mois de juin je vous propose un beau roman, au titre poétique, L'inventaire des nuages, écrit par Franco FAGGIANI, livre qui a obtenu le prix Cortina du roman de montagne 2023.
L'histoire se situe en 1915, dans les montagnes du piémont italien. Giacomo alors âgé de dix-sept ans, échappe à la conscription par suite d'une infirmité, et apprend grâce à son grand-père le métier de caviè : l'art de collecter des cheveux pour en confectionner des perruques.
Il parcourt ainsi la montagne à la recherche des chevelures des femmes, et chemin faisant, il recueille aussi leur histoire et celle d'un monde en disparition.
" D'où je viens, les montagnes sont bancales, irrégulières, entaillées de gorges déchiquetées et profondes. les plantes qui germent sur le fond encaissé ou le long des flancs escarpés s'élancent fines et droites avides de lumière, comme les hommes qui viennent dans les vallées cachées. Les cimes quand elles ne chatouillent pas le ventre des nuages de passage, ne sont ni compactes ni lisses, mais pointent vers le ciel leurs mandibules hérissées de pitons rocheux aux formes curieuses, qui ressemblent tantôt à des dents de travers, tantôt à des nez cabossés. "
"... Je m'efforçai de penser à autre chose, j'essayai d'établir un inventaire des nuages. Combien pouvait-il y en avoir à ce moment-là ? Et de quelles formes ? Etirés, gonflés, fins et fugaces ou lents ? Et de quelle couleur ? Moi, j'aimais les minuscules, dodus et dentelés, ceux qui se teintaient de rose, d'orange et de violet au crépuscule... "
Giacomo apprend alors par lui-même, en parcourant seul la montagne, à la recherche des chevelures blondes ou brunes :
" Je me souviens de t'avoir dit un jour d'exercer ton regard sur le monde. J'ai peut-être été trop rapide, j'aurais aussi dû te suggérer de faire entendre ta voix et d'exprimer ce que tu ressens dans ton cœur et dans ton ventre. On ne sait jamais où se loge les sentiments. "
Le piémont italien constitue le décor de ce beau roman qui fait revivre ces petites gens qui peuplaient alors les vallées et les prairies d'altitude :
" Il y avait des moments où le printemps était si tendre qu'il me caressait l'âme et je ne pouvais rien faire d'autre que délaisser ma tâche, remiser quelque part la routine et les corvées et m'en aller par les bois et les vallées, guidé par mon instinct, poussé par un désir soudain mais intense de flâner entre les arbres, de dénicher une prairie ensoleillée, de m'allonger sur une pierre lisse et de rester là à contempler le monde nouveau et silencieux. Ces promenades étaient parfois l'occasion de rencontrer quelqu'un et de m'arrêter pour partager avec lui un quignon de pain et un bout de fromage en devisant de tout et de rien, après avoir interpréter le mystérieux itinéraire des nuages voyageurs et le vol énergique des choucas, aussi acrobatiques que des cerfs-volants tendus au vent. "
Je vous laisse prendre le temps de bavarder avec Giacomo, et d'inventorier " les fleurs du ciel ".
Belle lecture printanière.
Philippe.

Coup de coeur du Mois de Juillet 2025
En cette période caniculaire, où le soleil vous harasse le corps et embrume l'esprit, rien de tel qu'un livre très rafraîchissant, au titre évocateur et énigmatique " Kodak Everest Pocket " écrit par Nicolas le NEN, roman ayant obtenu le prix club des lecteurs en 2025.
L'histoire romancée raconte le destin de la plus célèbre des cordées, celle de Sandy Irvine et de George Mallory, alpinistes qui en 1924 auraient peut-être été les premiers à atteindre le toit du monde, l'Everest, du nom de George Everest, son illustre arpenteur général (cartographe) des indes orientales sous la couronne britannique.
Ou plus exactement, l'histoire du mystérieux appareil photo, un Kodak de poche que les deux conquérants avaient emporté avec eux, mais qui n'a jamais été retrouvé sur les pentes de l'Everest...
Ce thriller très bien documenté, retrace avec beaucoup de minutie l'histoire de cette tragique ascension et des péripéties autour de cet appareil photo qui aurait pu révéler la preuve que Mallory ou Sandy ait atteint le sommet bien avant Hillary en 1953.
C'est ainsi que débute cette intrigue, par une simple petite annonce : " Cherche antique appareil photo égaré sur l'arête nord-est du Devadhunga ". Une petite annonce pour la plus grandiose des montagnes et la plus grande énigme de l'histoire de l'alpinisme.
A propos du toit du monde, N le Nen écrit : " Certaines montagnes s'élancent à l'assaut du ciel comme un jet de pierre; on les escalade pour l'allégresse de l'âme. D'autres s'imposent par la puissance qui émane de leur masse, on les affronte pour dompter sa peur. Les proportions de l'Everest sont prodigieuses : la déesse mère du monde oblige à une vénération craintive ".
Puis plus loin, notre alpiniste-enquêteur obnubilé par sa traque photographique, nous livre son ressenti : " Je débouche sur la grande selle de neige qu'enserrent les trois pointes du Pelvoux. Je me sens chez moi dans ce monde d'en haut. J'ai besoin de cette lumière surnaturelle, de ressentir cette pureté de l'air, de voir l'espace autour de moi devenir irréel. Depuis que je me suis lancé aux trousses d'Irvine et de Mallory, je suis en manque de haute altitude. Chomolungma ne me laisse plus en repos; je rêve de ne plus quitter ce monde d'en haut ".
Si vous aussi vous voulez goûter à la fraîcheur imaginée des sommets, alors que le soleil nous plombe de tout ses feux de solstice, alors lisez la suite. N Le Nen vous donnera toutes les clefs pour tenter de résoudre le mystère du Kodak Everest Pocket !
Cette chronique va s'évaporer durant l'été, se sublimer comme neige au soleil...et refera son apparition en septembre avant les premiers froids en espérant conquérir de nouveaux lecteur.ices.s ! Sait-on jamais !
Bonne lecture estivale.
A bientôt sur les chemins.
Philippe.

Coup de coeur du Mois de Septembre 2025
2 livres :
- Il était une fois l'escalade
- la Marche, le plus court chemin vers soi.
En ce mois de rentrée, je vous propose une BD qui va vous donner le vertige : Il était une fois l'escalade Par Catherine DESTIVELLE, David CHAMBRE et Laurent BIDOT, dans cette nouvelle édition augmentée de 2025 de 204 pages.
Si Homos Sapiens était déjà un grimpeur né grâce à ses dix doigts et ses dix orteils, les premiers restent archéologiques qui attestent que certaines parois ont été gravies, remontent au XI siècle en Afrique où la tribu des Tellem vivait en troglodytes dans les falaises de Bandiagara au Mali.
D'autres traces existent aussi en Jordanie, Thaïlande, Népal etc...
Puis bien plus tard, en 1492, quand C Colomb découvrait l'Amérique, d'autres gravissaient fièrement le Mont Aiguille, situé au cœur du Vercors, sur ordre du roi Charles VIII. Mais des chamois s'y trouvaient déjà...
Cette ascension marque depuis ce jour, la naissance symbolique de l'escalade, le terme "escalade" (du latin scala, "échelle") est popularisé à la suite de la tentative d'invasion de la ville de Genève par les Savoyards en 1602. Ces derniers n'avaient pas suffisamment d'échelles pour escalader la forteresse Helvétique.
C'est à la fin du XIX siècle que des gentlemen Anglais ont conquis la plupart des sommets alpins mais aussi inventés les crampons et piolets modernes, l'échelle de cotation, les premiers topoguides d'escalade...
Mais les Ecossaises ne sont pas en reste non plus. Le Ladies' Scottish Climbing Club, fondé en 1908, est le plus ancien club d'escalade exclusivement réservé au femmes.
Vous découvrirez, au fil des pages, toutes ces générations de grimpeurs et de grimpeuses que chaque décennie voyait éclore là, dans les Dolomites ou le Verdon, ici dans le Lubéron ou le Yosemite. Beaucoup des ces "conquérants de l'inutile" ont d'abord été européens puis Américains et ont laissé leur nom dans leur massif de prédilection.
Pour venir à bout de falaises de plus en plus difficiles, il faut aussi du matériel adapté. Pierre ALLAIN, améliore le concept du mousqueton, et bien sûr le chausson et sa semelle souple en gomme. Quand d'autres préfèrent les semelles armées en Vibram créées par l'Italien Vitale Bramani en 1937.
Le matériel est un chose, mais sans préparation physique et mentale il est impossible d'aller plus haut dans l'échelle des difficultés : 5ième degré, VI, VII, VIII, IXc à ce jour... !! Jusqu'où iront ces chorégraphes de l'extrême ?
Allez toujours plus vite, plus haut, enchaîner les difficultés, est devenu presque un classique depuis près de 50 ans.
Certains d'entre eux, à l'approche radicale, enlèvent même des pitons qu'ils ne jugent pas nécessaire...au risque de déplaire aux grimpeurs locaux.
D'autres jouent à spiderman sur la tour Montparnasse à Paris ou sur le Golden Gate à San Francisco.
L'ouvrage présente aussi des annexes sur les sites de légende, les grimpeurs.euses d'aujourd'hui, etc...qui complètent bien cette BD.
En seconde lecture, je vous propose aussi un dossier tiré Des grands Dossiers de Sciences Humaines sur la Marche, le plus court chemin vers soi.
Vous trouverez une foule d'informations, sur l'histoire de la marche, aux origines de la bipédie par P Picq, ce que la marche apporte au cerveau par S Chokron et un aspect philosophique de la marche par R-P Droit.
Bref de quoi vous donnez envie de marcher encore davantage, certains le font d'ailleurs à cloche-pied, à reculons aussi, ou jusqu'à en perdre son souffle et mettre sa vie en danger.
A bientôt sur les chemins...en évitant tout de même de marcher sur la tête !
Philippe.